Après ce déluge, nous avons besoin de faire le plein de couleurs ! Pourquoi ne pas profiter de cette accalmie pour se ressourcer à la Fondation Vuitton, aux portes du Jardin d’Acclimatation et du Bois de Boulogne? Cette construction aux douze voiles de verre a été habillée pour la saison par Daniel Buren. Et ça donne ça !
… Un remède idéal pour nous sortir de la morosité dans laquelle nous ont littéralement plongés le mois de mai et sa pluie battante !
A lire en complément : Un Bonnard aux multiples visages
On connaît Daniel Buren pour son installation in situ dans la cour du Palais Royal, les colonnes de Buren. Elle a choqué une partie du public en 1986. J’avais 10 ans, et je me souviens avoir confectionné avec grand soin une pancarte « A bas les colonnes !!!! Rendez-moi le Palais Royal ! »
A lire également : L’ironie à l’oeuvre avec Paul Klee
Avez-vous également entendu parler du scandale qu’il causa avec ses amis Olivier Mosset, Michel Parmentier et Niele Toroni au 18e Salon de la Jeune Peinture, en 1967 ? Le Groupe BMPT, que ces 4 artistes formaient, fut invité à exposer à cette occasion. Nous sommes le jour de l’inauguration. Le public se presse, entre dans la salle pour voir les œuvres de BMPT… et contemple bouche bée quatre jeunes hommes en train de décrocher leurs tableaux des murs et d’afficher à la place une grande banderole où l’on peut lire « BUREN MOSSET PARMENTIER TORONI N’EXPOSENT PAS ».
Qu’ont-ils peint qu’ils ne souhaitent ainsi montrer au public ?
Daniel Buren a peint son « outil visuel » , des bandes alternées blanches et colorées, de 8,7cm de large, perpendiculaires au sol. Olivier Mosset a peint un cercle noir au centre d’une toile blanche. Michel Parmentier présente de larges bandes horizontales. Et Niele Toroni a ponctué sa toile de traits horizontaux placés à intervalles réguliers.
A l’instar de beaucoup de gens qui apprécient pourtant l’art, je vais poser la question qui tue : ces artistes se moquent-ils de nous ? Quand Marcel Duchamp expose un urinoir qu’il baptise Fontaine, nous prend-il pour des imbéciles ?
Peut-être un peu, mais pas totalement. Et c’est l’intérêt que je trouve à l’art contemporain ; chercher, comme un enquêteur, ce qu’a voulu signifier l’artiste, à part nous faire un pied de nez.
Quand Marcel Duchamp expose Fontaine, nous sommes en 1917. Duchamp, déjà installé et reconnu aux Etats-Unis, préside le Comité chargé de sélectionner les œuvres qui seront présentées lors de la première Exposition des Artistes Indépendants de New York. Le comité reçoit un urinoir en porcelaine renversé signé R. Mutt 1917, et refuse de le montrer au public.
Duchamp insiste, et l’urinoir finit bien présent, mais muré, de sorte que le public ne le verra pas ! Quand le comité apprend que l’auteur de « Fontaine » n’est autre que Marcel Duchamp, il lui reconnaît immédiatement son statut d’œuvre d’art… validant ainsi deux théories que l’artiste essayait de prouver :
1/ l’art est un phénomène social, un jeu mondain. Il suffit qu’un artiste connu signe une réalisation pour qu’elle devienne « artistique ».
2/ L’art est programmatique. Chaque période obéit à des codes définis, et même les plus avant-gardistes d’entre nous se posent des limites à ne pas dépasser. Les ruptures dans l’histoire de l’art arrivent avec un artiste qui va essayer de changer de programme. Marcel Duchamp passera ainsi sa vie à chercher à être constamment « hors programme », à produire des œuvres qu’on ne sait pas digérer.
Le groupe BMTP cherche aussi à repousser les limites de l’art, en explorant une voie nouvelle : effacer au maximum le geste, la présence de l’artiste pour éliminer tout intermédiaire entre l’oeuvre et le spectateur, et atteindre le « degré zéro » de la peinture. Ils se considèrent plus comme des ouvriers que comme des artistes, et se refusent ainsi le droit d’exposer. « La peinture ne devrait plus être la vision/illusion quelconque, même mentale, d’un phénomène (nature, subconscient, géométrie…), mais VISUALITÉ de la peinture elle-même. » (Daniel Buren, 1969).
En 2016, nous retrouvons Daniel Buren à la Fondation Vuitton. Les douze voiles de verre de ce vaisseau de la culture contemporaine sont ornées de filtres colorés disposés en quinconces. On y retrouve les bandes blanches larges de 8,7cm et perpendiculaires au sol, chères à l’artiste.
Cette œuvre, monumentale et esthétique, qui évolue au fil du temps, jouant avec la lumière du jour et de la nuit, est en parfaite harmonie avec l’architecture de Frank Gehry.
Un détour par les terrasses pour observer de près les 3600 verres composant les voiles de la Fondation et la vue à 360° est tout simplement indispensable.
La Fondation Louis Vuitton
8 avenue du Mahatma Gandhi
Bois de Boulogne 75116 Paris
Tel : 01 40 69 96 00
Ouvert de 12h à 23h (attention aux horaires spécifiques en été)
Fermé le mardi